Trajectoires du bout du monde dans Noailles, le “ventre de Marseille”

“Trajectoires” du bout du monde dans Noailles, le “ventre de Marseille”

AFPBeatrix BACONNIER MARTIN – Journaliste – Marseille (France) –  23 février 2015 11:41

Ils sont sénégalais, vietnamiens, nord-africains, tous commerçants à Noailles, le “ventre de Marseille”, où les ont propulsés les hasards de l’histoire coloniale et les guerres. Une comédienne invite à les rencontrer, au coeur de ce dédale, mi-halles mi-bazar oriental.

“Trajectoires”, la balade “aventureuse et gustative” de Bénédicte Sire, comédienne et réalisatrice, démarre au Vietnam, chez Tam-Ky, une épicerie tenue par six frères et sœurs d’une fratrie qui en compte huit et dont les parents sont arrivés d’Hanoï à la fin de la guerre du Vietnam.

Dans la boutique, nichée au cœur du quartier de Noailles (1er arrondissement) que le Premier ministre Manuel Valls a parcouru à pied lundi, on trouve pêle-mêle des produits vietnamiens, japonais, mais aussi indiens et antillais. “Toute les communautés de Marseille défilent dans le magasin”, raconte Sylvie, l’une des soeurs. 

“Mes parents ont quitté le Vietnam à la fin de la guerre de décolonisation. Ils avaient tout perdu”… C’est la comédienne qui parle, devenant Sylvie pour nous conter l’histoire de famille, l’arrivée à Marseille après Paris, le travail en usine et l’idée de faire pousser puis vendre “des légumes vietnamiens”.

Suite de la promenade. Voici Manoel, natif du Cap-Vert qu’il a quitté à 16 ans pour rejoindre son père et son frère à Lisbonne, l’ancienne capitale coloniale. Puis c’est Nice et Marseille où il est charpentier avant de d’être épicier et…président du club de foot des Cap-Verdiens de la cité phocéenne.

D’origine sénégalaise, Sar El Hadj est lui le fils d’un “tirailleur sénégalais”, enrôlé en 1914 dans l’armée française. “Il a été blessé en apportant un message de l’autre côtés des lignes ennemies, le téléphone était en panne”, raconte ce tailleur qui confectionne robes et boubous dans des tissus bariolés, après avoir été “marchand ambulant en Belgique”.

Un peu plus loin, la boutique d’Ali, venu de Djibouti, regorge, telle la caverne d’Ali Baba, de trésors recherchés par les femmes du quartier et bien au-delà: on y trouve l’encens du bonheur, celui de la fécondité, de la réussite ou encore celui de la fidélité ainsi que diverses essences aphrodisiaques et même, pour 10 euros du viagra en vaporisateur.    

Boulangers et traiteurs, Elias et Joseph sont nés à Beyrouth qu’ils ont quittée lorsque la guerre du Liban a éclaté. L’un a été directeur de deux hôtels à Dubaï, l’autre golden boy à Londres et New York.    

Dans son antre, Saladin, un Oranais, campe au milieu de sacs de jute déversant, parmi toutes sortes de victuailles, des sels multicolores : sel de lave noir, sel rose bonbon, sel de Chypre. “Mon père a quitté l’Algérie pour travailler dans les mines françaises quand Boumédiène a pris le pouvoir” en 1965. Saladine est reparti un temps dans sa ville natale avant de s’ancrer à Marseille.   

viande Halal et cochon d’Auvergne –

A Noailles, le marché oriental cohabite avec les produits français et la viande halal avec le cochon d’Auvergne du “Grand Saint Antoine”, l’épicerie familiale où Emmanuel a pris la succession de son père Yves. Juste à côté, du “café Prinder”, un bistrot Brasserie, Nelly, pied-noire de Bône, en Algérie, se souvient de l’immeuble où elle habitait, “où toutes les confessions religieuses cohabitaient”, comme aujourd’hui dans son établissement.

A Noailles, ancien quartier bourgeois, on trouve aussi des boutiques plus que centenaires comme la pharmacie du père Blaize, (1815), “la seule en France dédiée à l’herboristerie”, explique son propriétaire.  

Le bazar de Noailles, c’est encore la vente, à la sauvette, de cigarettes de contrebande et d’objets divers, “le marché aux voleurs”, en parler marseillais. La petite délinquance y fait florès mais la criminalité y est rare. La zone n’a pas été classée en Zone de sécurité prioritaires (ZSP) mais un conseil local de sécurité et prévention de la délinquance (CLSPD) vient toutefois d’y être installé, juste avant la venue du Premier ministre. 

Beatrix BACONNIER MARTINJournaliste

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