En balade dans le Marseille de Giono et d’aujourd’hui

La comédienne Bénédicte Sire invite à redécouvrir la ville à travers l’écrivain

Par Annabelle Kempff – Lundi 09/12/2019 à 09H48

Ce samedi-là, grève et manifestation font de la “Balade Giono”, “une aventure rocambolesque“. Bénédicte Sire, comédienne, réalisatrice et “baladrice“, comme elle dit, n’en perd pas son sourire, même si la fermeture du centre-ville déboussole un peu les conducteurs de bus. Elle jongle avec les appels téléphoniques, pour mener à bien cette promenade littéraire dans Marseille qu’elle a imaginée à la demande du Mucem, consacrant actuellement une exposition à Giono. Vêtue d’un manteau vert et munie d’un caddie fleuri, elle conduit avec bonne humeur son petit groupe de 24 marcheurs équipés de casque. “Restés groupés comme une équipe de rugby” insiste-t-elle, avant d’embarquer dans le premier bus spécialement affrété par la RTM pour la balade. Du Mucem, direction Arenc.

La comédienne Bénédicte Sire invite à redécouvrir la ville à travers l’écrivain Giono – Photo Nicolas Vallauri

De la ville industrielle à la colline Périer

Les yeux fermés, les promeneurs écoutent ce Voyageur immobile, qui s’évade depuis l’épicerie du bout de sa rue et que l’écrivain manosquin évoque si bien. Bénédicte Sire lit de sa voix chaude un extrait depuis sa tablette, qui ne la quitte pas ou presque. “Qui a ma tablette ?” demande-t-elle aux passagers. Elle poursuit ensuite sur des textes de Jacques Meny, président de l’association Les Amis de Jean Giono, tandis que le bus file dans un quartier en profonde mutation. “C’est une nouvelle ville en train de naître“, insiste-t-elle, tout en donnant des explications sur ces nouveaux bâtiments, hôtels, cinéma, centre commercial, tours d’habitations. La majeure partie des marcheurs sont Marseillais, certains viennent de Cassis, Manosque et même de Lyon. Et au milieu de ce décor de constructions neuves, persistent des vestiges industriels, comme cette usine de la minoterie, les Grands Moulins Storione toujours en activité, que Giono évoque dans Le poids du ciel.

C’est le premier arrêt du petit groupe qui quitte le bus pour regarder de plus près ces entrepôts archéologiques où il est encore inscrit Savonnerie du fer à cheval ou Micasar. Après la description de Giono d’un homme enfariné qui sort de ces silos encore étincelants dans ce soleil de décembre, les marcheurs reprennent le bus quittant la ville industrielle pour le centre sur une lecture de Noé, “les deux tiers du roman se passant à Marseille“. Sur La Canebière, on y découvre l’esprit persifleur de Giono, tandis que Bénédicte Sire revient sur les années prospères dès 1860 de cette artère mythique.

À pied, la balade se poursuit jusqu’à l’opéra dans lequel l’écrivain évoque un incendie de façon tragicomique. “Il y a bien eu un incendie à l’opéra le 13 novembre 1919 mais il n’y a eu ni morts ni blessés“, dit-elle, tandis que l’on autorise les marcheurs à pénétrer dans l’institution. Sur le plateau, on monte les décors de l’opéra Barbe-Bleue que la scénographe Chantal Thomas prend plaisir à expliquer. Friande de rencontres imprévisibles, Bénédicte Sire emmène ensuite ses visiteurs dans un deuxième bus garé cours Pierre Puget, pour la dernière partie de son voyage, la colline Périer. De la rue Wulfram Puget, les marcheurs grimpent alors jusqu’à un coin secret et bucolique. Au gré d’une marche de 15 minutes dans cette butte verte que décrit Giono avec émerveillement, la nuit gagne le groupe, l’humidité s’installe, la ville est silencieuse, les époques se confondent au milieu de ce décor de belles demeures… Jusqu’à ce que la Marseille d’aujourd’hui palpite à nouveau sur la rue Paradis, où le bus du retour attend, pour une évocation du bonheur selon Giono.

La Provence, le 09/12/2019 par Annabelle Kempff

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